La moitié des Français ne croit pas au débat proposé par le Gouvernement

NRIA débute son année sur cette nouvelle, diffusée par BFMTV, sur la base d’un sondage Harris Interactive pour M6 et RTL. Sans même savoir ce que le Gouvernement prépare, les citoyens semblent dubitatifs quant à la réalité, la portée et l’usage qui sera fait de ce débat.

Alors, de quoi parle-t-on ? Lorsque le Gouvernement parle de “débat”, il crée possiblement une ambiguïté quant au mode de prise de décision qui s’ensuivra. Il s’agit d’une consultation permettant à “chaque Français de faire part de son témoignage, d’exprimer ses attentes et ses propositions de solutions” (source : communiqué du Gouvernement, cité par Le Point). Chacun est donc invité à donner son avis et le pouvoir décidera.

Il ne s’agit pas d’une négociation. Si c’était le cas, alors le pouvoir serait partagé et il faudrait un consensus, ne serait-ce qu’avec une partie représentative du peuple. Au contraire, le Gouvernement rappelle qu’il est élu pour décider et, à l’entendre, semble décidé à le faire. Il faut donc s’attendre à ce qu’à la fin du Grand Débat, les décisions soient prises “en haut”.

Il existe bien des instances de négociation, avec les syndicats ou les “corps constitués” ; il semble cependant que l’État n’est pas en train d’en créer une nouvelle. D’ailleurs, la France dispose déjà de la Commission Nationale du Débat Public, autorité indépendante qui a accepté de participer à l’organisation du Grand Débat, à condition néanmoins que ses principes fondateurs soient respectés: Transparence, Argumentation et Équivalence de Traitement entre les points de vue. Il me semble qu’il s’agit là d’un signal positif et j’espère qu’à défaut d’avancées majeures sur le fond, au moins la CNDP ressortira grandie de cet épisode démocratique.

Alors, le fait qu’on ne décide pas ne veut pas dire qu’il ne faut pas débattre, bien au contraire, car la discussion a en soi de nombreuses vertus :

  • Développer le sens d’appartenance au collectif ;
  • Comprendre les points de vue des uns et des autres : en effet, un bon débat n’est pas celui où on s’exprime le plus fort, mais où on s’écoute le mieux – des comptes-rendus des remontées citoyennes seraient donc bienvenus ;
  • Faire circuler l’information : en effet, le pouvoir et la technocratie parisienne sont souvent accusés de ne pas voir comment les choses se passent “en bas” ; à l’inverse, le citoyen lambda ne comprend pas forcément les contraintes qui pèsent sur notre pays ;
  • Humaniser “l’autre”, qui n’est plus une entité vague, mais un être humain, avec lequel on peut discuter (là, le format “cahier de doléances” ou procédure en ligne ne se prêtera pas à ça).

Il faut cependant garder à l’esprit que la décision sera prise par nos élus et que, si les citoyens ne sont majoritairement pas d’accord, ils auront la rue et les urnes (lorsque le prochain cycle électoral se présentera) pour le faire savoir.

Nous ne pouvons qu’inciter le Gouvernement à la clarté : précisez qu’il s’agit d’une consultation / concertation et ne tardez pas à expliquer aux citoyens comment le débat va s’organiser, comment les décisions seront prises et selon quels critères. Cela permettra aux citoyens de décider en connaissance de cause s’ils veulent y participer, et combien ils sont prêts à s’y investir. En effet, comme le dit si bien Thomas Fiutak dans l’excellent documentaire d’Eric Blanchot, le Temps du Débat, il y a de la violence à faire croire aux gens qu’ils ont un pouvoir que l’on n’est pas disposé à leur concéder.

Ensuite, le deadline du 15 mars pour la remontée d’information, c’est bien mais, pour un vrai débat, c’est extrêmement court. Oui, il faut avancer, mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Ce n’est pas en 10 semaines que l’on va réellement débattre de sujets aussi importants que “la transition écologique, la fiscalité et les services publics, l’évolution du débat démocratique et l’immigration”. Ce temps doit être une première étape, qui doit, au vu des espérances démocratiques exprimées, en appeler de nombreuses autres.

Toute crise doit donner lieu à progrès, si ce n’est sur le fond, au moins sur la façon de faire. La France a là une opportunité de changer l’image de sa démocratie en faisant une plus large place au débat public. Pour réussir, le Gouvernement devra soit former ses agents aux techniques de dialogue, soit s’entourer de facilitateurs professionnels. Bref, pour que ce débat réussisse, il faudra le pérenniser et s’attaquer au cœur de la culture de notre administration.

A ce titre, NRIA intervient déjà, et continuera d’intervenir, au sein des collectivités publiques demandeuses pour promouvoir le dialogue et les modes de prise de décision concertés (négociation, concertation, etc.). Celles-ci reposent sur des techniques qu’il faut maîtriser et requirent d’importants moyens, pas forcément financiers d’ailleurs. Bref, les intentions ne suffiront pas !

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