NRIA vient de terminer un cycle de quatre journées de formation aux techniques de négociation pour le compte d’une importante collectivité territoriale.
Celle-ci a commandé une formation à la négociation pour la quinzaine d’agents en charge d’importants contrats (notamment de délégation de service public) avec des acteurs privés. Il s’agit de contrats à forts enjeux où, suite à appel d’offres, une phase de négociation met aux prises les interlocuteurs publics avec de grandes entreprises, qui donnent l’impression d’être fort bien préparées. Si ces derniers semblent principalement intéressés par le retour financier et d’image que de telles DSP peuvent apporter, les premiers sont contraints par leur rôle de garants (1) du bon usage des fonds publics et (2) de la continuité du service public.
Ce type de négociation leur apparaît fortement déséquilibrées, car:
- Il n’y a souvent, au moment des négociations, qu’un seul candidat (souvent celui déjà en place), qui se trouve donc en situation de quasi-monopole de fait ;
- Il y a obligation de continuité du service public. Une rupture des négociations serait donc principalement préjudiciable à la collectivité ; la meilleure solution “hors table” est donc, faute d’accord pour l’avenir, de proroger les conditions actuelles du contrat (ce qui n’est que reculer pour mieux sauter) ;
- L’acteur privé, souvent présent sur de nombreux territoires, dispose d’équipes rodées et expérimentées, alors que, pour la collectivité, il n’y a souvent qu’une, voire quelques DSP comparables sur lesquelles s’appuyer ;
- Si les négociateurs côté entreprise sont dans une structure hiérarchique claire, les agents publics ont pour donneurs d’ordres à la fois leur hiérarchie administrative (N+1, etc.) et des élus. Si ces deux populations sont alignées, ça va ; sinon, bonjour les dégâts ! Et les entreprises n’hésitent pas à faire du lobbying auprès des élus pour tenter de “tordre le bras” à des fonctionnaires qui se montreraient “trop zélés”. Ambiance !
Une formation à la négociation ne va bien entendu pas rétablir l’équilibre de ces négociations, mais permet aux acteurs publics :
- De développer leur confiance en eux ; ce sont des négociateurs expérimentés eux aussi, aux riches parcours professionnels, qu’il s’agit de leur apprendre à mobiliser leur savoir, plutôt que de leur donner de nouveaux savoirs ;
- De mieux analyser ces situations, et donc anticiper, par une préparation rigoureuse, les stratégies adverses qui pourraient encore affaiblir leur position ;
- D’apprendre à échanger entre eux sur leurs négociations, selon le bon vieux principe “qu’ensemble, on est plus forts”, et donc de briser “la solitude du négociateur”.
En deux mots, la formation a été structurée comme suit :
- Deux journées sur les concepts et techniques de base de la négociation (applicables à toute négociation), afin de leur permettre de maîtriser les tenants et aboutissants des approches coopératives et compétitives de la négociation, ainsi que les techniques de la négociation distributive et de la négociation intégrative ;
- Une journée de mise en application autour d’une simulation complexe de quatre heures, sur un champ qui leur est étranger (ici, l’achat / vente d’avions commerciaux) ;
- Une journée de réflexion sur leurs propres négociations, autour de la rédaction de leur propre simulation, basée sur leurs expériences de la négociation.
Cette dernière journée, en particulier, est passionnante (en particulier pour les formateurs), car il s’agit non plus de caler des concepts plus ou moins abstraits sur leurs négociations, mais de partir de leurs négociations pour approcher des concepts déjà discutés ensemble.
Alors, je suis biaisé mais, au plus fort de la crise des Gilets Jaunes, apprendre aux fonctionnaires à mieux négocier le fruit de nos impôts, ne devrait-ce pas être un axe d’amélioration stratégique de l’action de nos administrations publiques ?