Il est curieux que, lorsqu’on parle de formation à la négociation, on reçoive un écho très différent selon que nos interlocuteurs sont du secteur privé ou du secteur public.
Pourquoi, alors que le mot “négociation” renvoie à “négoce”, un synonyme de commerce, les écoles formant les hauts fonctionnaires (ENA et INET) disposent-elles de cours obligatoires en négociation en formation initiale, et d’un catalogue fourni en formation continue ? Pourquoi les administrations proposent-elles régulièrement à leurs agents de suivre des formations à la négociation, alors qu’à l’inverse, le répertoire RNCP, appelé à s’imposer auprès des organismes financeurs de formations du secteur privé, semble exclure la négociation des référentiels “management” et la reléguer à la seule sphère commerciale ?
Le secteur public français semble aligné avec l’étude du Forum Économique Mondial de 2016 sur les compétences soft à maîtriser en 2020 : aux côtés de la créativité et de la capacité à régler des problèmes complexes, on trouve la négociation, mais aussi des applications de la négociation : la gestion du personnel, la capacité de coopérer avec autrui et le sens du service. La négociation, telle que nous l’enseignons, est donc au cœur de ce référentiel de compétences managériales.
L’Administration a compris que la négociation n’est pas une simple activité commerciale, mais une compétence-clé de tout manager, qui doit savoir manier à la fois la décision hiérarchique (qu’il en soit l’auteur ou le récipiendaire) et la codécision avec ses pairs, avec ses équipes ou avec l’extérieur. Cette codécision permet d’impliquer les agents dans les décisions les concernant et de prévenir et réguler la conflictualité au sein des Administrations.
Acte concret : on peut lire ces mots dans la circulaire interministérielle du 22 juin 2011, prise en application de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique : « ces nouvelles dispositions visent, au-delà de la reconnaissance juridique des pratiques de négociation dans la Fonction Publique, à promouvoir le développement d’une véritable culture de la négociation à tous les niveaux où celle-ci peut s’exercer ». L’État lie ainsi le renouveau du dialogue social avec la mise en place d’une culture de la négociation au sein des institutions publiques.
Qu’il est encourageant de voir ainsi la sphère publique française s’approprier un concept si “commercial” et tenter, certes avec plus ou moins de réussite, de le placer au cœur de son action managériale ! A l’inverse, qu’il est rageant de voir l’évolution inverse au sein du secteur privé !